"Fans de Besancenot "....

Publié le par LCR 06 OUEST


 

Envoyé spécial à Avignon Matthieu Écoiffier,LIBERATION.


Appelé à remplacer la LCR dans les mois à venir, le Nouveau parti anticapitaliste (NPA), élargi à toute la gauche radicale, tiendra ce week-end son premier rassemblement national. Virée en Avignon, dans l’une des réunions préparatoires.


« J’ai toujours eu le cœur à gauche et je n’ai jamais trouvé de vraie gauche. » Avec l’accent de Carpentras, voilà comment Nora, 29 ans, éducatrice en crèche, explique sa présence, ce samedi 14 juin, à la réunion du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) du Vaucluse. Ils sont une trentaine, assis sous les frênes du parc des Libertés, un camping-buvette sur l’Ile de la Barthelasse. Autour des tables, il y a un bon tiers de trotskistes de la Ligue communiste révolutionnaire (LCR), le parti d’Olivier Besancenot, des antilibéraux d’Attac, une pincée de jeunes du quartier de la Rocade, une poignée d’anciens communistes et d’amis du socialiste Jean-Luc Mélenchon, un ingénieur du son intermittent du spectacle, un faucheur d’OGM bovétiste et une militante féministe historique. Un cocktail pimenté, où pour l’heure chacun met en veilleuse ses différences dans l’espoir que « quelque chose » se construise à la gauche du Parti socialiste. Depuis des mois, ils se retrouvent régulièrement pour tenter de mettre sur orbite le « NPA », cet objet politique non identifié lancé fin 2007 par la LCR.


Le processus


A Avignon, ce jour-là, il s’agit de concocter un texte commun et de décider qui montera à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis) pour le défendre ce week-end. Dans le Vaucluse, le NPA est parti très vite et très fort. « Hier, j’ai eu un policier en préretraite au téléphone. Il m’a dit : "J’ai été voir au Modem, c’est une bande de bourgeois. Quand j’entends Besancenot, j’ai l’impression que c’est moi qui parle !" » raconte Jacques, 63 ans, figure locale de la LCR, qui assure la permanence téléphonique. Sur le fichier électronique, il compte 250 inscrits dans le département quand la LCR n’a que 40 adhérents.


« C’est Besancenot qui me l’a dit, l’endroit où ça bouge le plus, c’est ici », lâche Abdel, 28 ans, un des piliers de l’association AJCRV (agissez-rêvez) du quartier de la Rocade. Assis à côté de Nora, Abdel, baskets et casquette blanche retournée, fait preuve d’un bagout que la direction de la Ligue a vite repéré. Elle veut en faire l’exemple de la capacité du NPA à s’implanter dans les cités. « On était plus de 80 personnes à la dernière réunion. Un mois après, on est 30. Moi, ça me plaît pas », balance-t-il. Ce qu’Abdel appelle « le processus » constitutif prend trop de temps face à l’urgence sociale dans les quartiers, explique-t-il. Remonté, il accuse ses collègues du NPA de ne pas s’être déplacés à une action de son association. « Il faut qu’on prouve qu’on est utile. Moi, quand je rentre chez moi, je vois le même quartier, avec les mêmes problèmes. Vous êtes plus protégés dans vos maisons », lance Abdel à ses camarades.


« Il me fait chier avec son côté velléitaire », s’insurge Didier, ancien de la section PCF
d’Avignon. Hendrick, ingénieur agronome, la trentaine blonde avec catogan et petites lunettes, plaide pour faire de l’écologie, le thème central du parti. « Le problème, c’est qu’au NPA, il y en a au RMI et d’autres qui en sont aux toilettes sèches », commente Adeline, ex-PCF. « On est en gestation et on n’a pas assez de contenu. Les gens arrivent avec un questionnement et on leur répond par un autre questionnement ! » se désespère Gilbert, ancien des collectifs unitaires.


La peur du noyautage


En vieux briscard trotskiste, Jacques, de la LCR, remet la réunion sur les rails : « En février, à la médiathèque, on était 80. Vous étiez là en vous disant : où est l’arnaque ? Qu’est-ce que la LCR magouille derrière ça ? On a été présents cahin-caha et on a réussi la manif devant la prison avec Olivier Besancenot », rappelle-t-il. Constamment invoquée, la parole du leader de la LCR fait office de lien entre tout ce petit monde. « Par ses réactions à l’actualité politique et sociale, Besancenot est le seul légitime pour incarner ce mouvement » , explique Jacques.


Pour crédibiliser sa volonté d’ouverture et sa promesse de se dissoudre dans le NPA, la LCR s’est interdit toute prise de parole nationale. « On n’est pas là pour dire comment on fait le parti, mais pour animer », assurent les trotskistes. La stratégie ? Jouer la base et les inorganisés contre les accords politiques entre appareils qui ont échoué lors de la candidature « unitaire » à la présidentielle de 2007. « J’étais dans les collectifs qui ont explosé à cause du PCF et de la LCR. Dans notre groupe local, beaucoup de gens passent la tête pour voir. Mais un doute subsiste sur l’attitude de la LCR. Moi, je leur fais confiance, mais si on est trahi, on n’y reviendra pas », prévient Gilbert, 54 ans, infographiste. « 80 % des gens se méfient de la LCR. Ils disent qu’ils veulent se dissoudre, mais où est l’entourloupe ? Leur positionnement sera primordial. Si le doute est levé, il y aura une adhésion forte à l’automne », explique un adhérent d’Attac.


Abdel est prêt à aller à la baston : « Si on ne fait pas de formation, le NPA, ce ne sera que la LCR, les pauvres et les niais. A Paris, il va falloir qu’on défende nos positions face à des mecs qui ont quinze ans de militantisme. » Jacques souhaite que la contribution du Vaucluse « évite la langue de bois, y compris de la LCR et le charabia avec anticapitaliste et révolution à toutes les phrases ».


Un nom introuvable


Pour l’heure, la ligne reste délibérément floue. Il s’agit en effet de ratisser large. Autour de la table, tous espèrent un parti relais des luttes sociales et porteur d’une alternative à la gauche de gouvernement - le PS - qui les a déçus. Nora, par exemple, a été candidate de la « société civile » aux municipales sur une liste socialiste, avant d’être rétrogradée en position non éligible. « C’est viscéral, constate Jacques, ils ne veulent aucun accord avec le PS. Plus on a une réflexion politique dans le NPA, moins on veut voter socialiste au second tour. Cela va au-delà de l’orthodoxie de la Ligue ! »


De quoi alimenter les craintes du PS, qui redoute de voir émerger sur sa gauche une force refusant de conclure des alliances avec lui.


Au niveau national, le PS suit de près cette affaire et a confié à l’ancien ministre de l’Intérieur Daniel Vaillant la tâche d’observer le NPA. Alors que le postier trotskiste cartonne dans les sondages, François Hollande a avoué que Nicolas Sarkozy lui aurait lancé, le 7 juin dernier, dans l’avion qui les ramenait du Liban : « On va vous faire avec Besancenot ce que vous nous avez fait avec Le Pen ! »


Pour autant, tous ces militants ne se considèrent pas comme révolutionnaires. Ou anticapitalistes. Nora dit même que ça lui « donne des boutons ». « Dans les quartiers, l’anticapitalisme ne fait pas recette. Je ne vais pas me griller, je change le mot ! » raconte Abdel. « Sur la question du nom du parti, on est tétanisés », reconnaît un participant.


Un camarade a apporté une bouteille de whisky pour fêter la victoire du non en Irlande. Les langues se délient sous le soleil de fin d’après-midi. Abdel propose de rebaptiser le NPA « Baygon, pour agiter les cafards ». Nora fait un bide avec « le nouveau parti populaire » : « T’es pas bien, ça fait facho ! Pourquoi pas le "commando Germinal" pour faire tout péter un bon coup ? » indique Michel, anarchiste sexagénaire. Didier le communiste se verrait bien adhérer à « La gauche ». Un autre propose le « Pimen rouge, pour Parti d’inspiration marxiste, écologiste et nouveau ». « Et tu vas quand même pas mettre le t de trotskiste ? » le chambrent ses futurs camarades.

Publié dans nouveau parti

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