Alpes-Maritimes : le sarkozysme en actes...

Publié le par LCR 06 OUEST

Article paru dans le dernier numero (n° 48 - trimestriel - novembre 2008)
de la "Lettre des élus alternatifs"

 

 

Si ce n'était les conséquences pour les populations concernées, pour l'avenir -à long terme- de la région niçoise et, plus largement, de la Méditerranée occidentale, l'actuelle prise de contrôle du département par Christian Estrosi et la mise en place d'une version sarkozyste de "l'aménagement" seraient fascinantes.

 

De la CA à la CU


Venues très tardivement à la coopération intercommunale, les Alpes-Maritimes comptent aujourd'hui quatre communautés d'agglomération, autour de Menton, de Nice, d'Antibes et de Grasse et quelques communautés de communes, dont deux d'une importance certaine : les Coteaux d'Azur(1) en rive droite du Var et le Pays des Paillons(2) au nord de Nice.

Seule Cannes reste rétive à tout regroupement.

 

Elu maire de Nice au municipales de mars 2007, Estrosi accélère sa main mise sur le département, déjà bien préparée à son poste de président du conseil général, mais contestée par Jacques Peyrat à la mairie de Nice et à la présidence de la Communauté d'agglomération Nice Côte d'Azur (CANCA) : il obtient de l'Etat, avant son élection, la création d'une vaste Opération d'intérêt national (OIN) dans la plaine du Var, englobant dans son périmètre une partie de Nice, des communes de la CANCA, mais aussi des Coteaux d'azur, et même au delà vers le moyen-pays ; puis, à peine élu, il fait passer au pas de charge les 24 communes de la CANCA, de la communauté d'agglomération à la communauté urbaine.

 

Petits arrangements politiques.


Pour mener à bien ces opérations, il faut avoir toutes les cartes en main.
Et, quand tout ne se passe pas comme prévu… on s'arrange entre amis!
La loi sur le cumul des mandats, ne lui permettant pas de rester à la fois député de la 5e circonscription, président du conseil général et maire de Nice, il suffit de faire élire un fidèle parmi les fidèles aux cantonales et de le faire accéder à la présidence de l'assemblée départementale.
L'individu est trouvé (Eric Ciotti), la circonscription aussi (le quartier du port, à Nice). Ce qui n'est pas prévu, c'est que la rancune des amis de Peyrat aidera à l'élection… d'un conseiller PS!


Qu'à cela ne tienne, quelques mois plus tard, Estrosi nomme à son cabinet de maire un élu d'un canton du haut-pays (Gaston Franco), celui-ci démissionne de son poste de conseiller général, de nouvelles élections auront lieu d'ici quelques semaines, Ciotti sera candidat, et enfin élu.


En attendant, Estrosi réussit l'exploit de porter les trois casquettes (député, président du conseil général, maire de Nice… sans compter la présidence de la CANCA) au prétexte d'un recours non encore jugé du MoDEM par rapport au déroulement des municipales.

 

 

CU, OIN, PPRI, JO, LGV, TRAM, etc.


L'enjeu de ces grandes manœuvres : avoir les mains libres pour contrôler "l'aménagement"(3) de la plaine du Var, vaste espace encore peu urbanisé avec, au sud l'aéroport, le MIN (Marché d'intérêt national), le Centre administratif et, pris sur des terres agricoles le long du fleuve, divers équipements : lycée, salle de concert type Zénith, stades, hypermarchés, etc.

 

Le projet, on en connaît les grandes orientations à travers le rapport du "préfigurateur", Thierry Bahougne(4) :


-         Nice, et spécifiquement la plaine du Var, est au centre d'une vaste métropole azuréenne de plusieurs millions d'habitants, capable de rivaliser avec les grandes villes de la Méditerranée occidentale et elle est, grâce à son aéroport, la porte d'entrée internationale du sud de l'Europe.


-         Ce qui va se réaliser ici doit être un exemple, exportable, du savoir-faire français en terme d'aménagement.


Tout doit donc se plier à ces exigences :


-         La LGV future sera la plus directe possible vers Paris, en évitant surtout Marseille (on est rivales que diable!), et en captant le plus de passagers des liaisons aériennes intérieures afin de libérer de la place pour les vols internationaux.


-         Le PPRI (Plan de prévention des risques d'inondation), qui interdit quasiment toute construction nouvelle dans la basse vallée du Var, doit devenir "évolutif" pour s'adapter progressivement aux exigence bétonneuses.


-         Le futur tram, prévu pour desservir le quartier populaire de l'Ariane et le relier au centre-ville, doit  en priorité servir à relier la plaine du Var au centre-ville.


Les moyens, on les voit se mettre en place :


-         Transformation de la communauté d'agglomération, aux compétences importantes mais quand même limitées, en communauté urbaine aux compétences encore élargies, et donc aux moyens budgétaires plus conséquents permettant de concentrer les effort financiers de 24 communes sur ce projet "d'aménagement".


-         Modification des statuts de la société d'aménagement de Sophia-Antipolis lui permettant d'intervenir sur tout le territoire du département et non plus seulement dans son secteur, accompagnée de l'entrée de la Caisse des dépôts et consignation dans son capital.


-         Intervention de Monaco, qui a déjà financé cinq rames de TER (trains express régionaux), s'apprête à financer des logements sociaux sur le territoire français, promet son aide financière pour la construction de la LGV, et dont le prince régnant rencontre Estrosi pour parler de l'OIN!


-         Instrumentalisation des Jeux olympiques (d'hiver), que Nice souhaite organiser, la construction du village olympique servant de couverture pour implanter 30 000 logements contraires à la DTA.

 

 

Un modèle de politique sakozienne.


Tous les ingrédients sont là, qui font des Alpes-Maritimes un laboratoire du sarkozysme : mensonges éhontés (on appelle "écovallée" une grande entreprise de bétonnage), "arrangements" électoraux, cumul des mandats, autoritarisme d'Etat soustrayant des territoires au droit commun pour le profit du capitalisme international, valorisation de la rivalité entre territoires.


Et ce n'est ni la complaisance du PS, ni la prudence -traditionnelle ici- du PCF(5) qui feront changer le cours des choses.


Au municipales, seule la liste citoyenne NICEA(6) remettait résolument en cause ces options, et c'est à l'initiative de NICEA aujourd'hui constituée en association que s'organise un début de résistance et de propositions alternatives.

 

Alain Ribière

 

1 – Regroupement de trois communes, sur des bases plus "politiques" que réellement justifiées d'un point de vue géographique : Carros (PS), Gattières (PC) et Le Broc (PC).

2 – Regroupement de 11 communes des vallées des Paillons, véritable arrière-pays de Nice.

3 – C'est à dire l'implantation d'entreprises internationales "de prestige".

4 – Ancien conseiller technique au cabinet d'Estrosi, du temps que celui-ci était ministre de l'aménagement du territoire.

5 – Auquel la droite concède très volontiers quelques fiefs : cinq ou six communes et deux cantons.

6 - Nice citoyenne et Altermondialiste ; 100% à gauche, 100% écologiste, menée par Bruno Della Sudda

(Alternatifs, LCR, militant-e-s écologistes, syndicalistes, associatif-tive-s).

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